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Simon regarde comme elle est belle.Le garçon d’une petite dizaine d’années (8 ans) s’approcha alors de la femme allongée dans le grand lit modeste parental. Elle avait les traits tirés de fatigue et tenait dans ses bras quelque chose qui remuait. Son père était stoïque comme figé mais ses yeux larmoyants de bonheur suffisait à retirer son air habituel froid de son visage. Peu à peu il s’approchait, plus il plissait les yeux pour observer la masse que tenait sa mère. Il monta sur le petit tabouret que son père lui présenta pour voir ce qu’était… sa petite sœur.
La première fois que Simon la vit, il eut comme un tressaillement, quelque chose de chaud s’éleva alors dans son cœur. Comme quelque chose qu’il avait toujours voulu. Ce petit être, bien que moche et tout rouge et braillant à tout vient, c’était un membre de la famille. Sa petite sœur.
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Comment allons nous l’appeler Anna ? Fit son père en se penchant vers eux.
L’enfant ouvrit enfin ses grands yeux vermeilles vers sa famille et un coup de cœur traversa alors Simon. Il la protégerait de toutes ses forces, jusque la fin. C’était certain. C’était pour elle.
Pour Lilas.
Il se contenta de sourire, avant de s’installer avec hâte aux côtés de sa mère, qui se pencha pour qu’il puisse caresser ses joues rebondies. Elle était adorable, Lilas.
10 ans plus tard. ▬
Simon, attends moi tu cours trop vite !Je courrais de toute mes forces après mon grand frère qui riait aux éclats dans la prairie à côté de la maison, bordant de grands champs de fleurs de plusieurs variétés différentes. Simon et moi aimions jouer par là bas avec Stanley, qui n’était pas notre frère mais notre cousin recueilli par notre famille lors de la mort de ses parents. Mais le pauvre Stanley qui était le plus vieux était parfois appelé par nos parents, comme lors de cette après midi, où nous étions qu’à deux en train de jouer dehors.
Simon était grand, beau, fort, j’adorais mon frère. Je l’admirais. Il était protecteur et si gentil avec moi. S’il n’avait pas été mon frère, je me serais mariée avec lui quand j’aurais atteint l’âge majoritaire !
J’entendis un cri puis un craquement sinistre. J’interrompis peu à peu ma course pour le secourir. Malgré ses dix-huit ans, Simon restait quelqu’un d’étonnamment maladroit ; il venait de mal tomber sur une roche plutôt pointue et c’était assez bien entaillé le bas gauche de son ventre. Il ne bougeait plus, à moitié allongé, se maintenant avec les coudes, il souffrait en silence tandis que je l’approchais les larmes roulant sur mes joues roses.
Il me sourit.
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Ne t’inquiètes pas Lilas, ce n’est rien de grave. Ce n’est pas à cause de mon cœur, ne t’en fait pas. Fit-il en tapotant sa blessure dont le sang coulait lentement. Il retint avec peine une moue tendue et crispée de douleur.
Oui, mon frère avait des problèmes cardiaques assez graves, et c’est pour cela que je m’inquiétais beaucoup pour lui, même à mon âge. Il avait toujours été si protecteur avec moi alors que je me sentais de mon côté, inutile.
Je m’agenouillais docilement à ses côtés et prenait sa main dans les miennes ; sa main si froide dans mes frêles mains chaudes. J’avais l’impression que de jour en jour, Simon s’affaiblissait et que petit à petit sa vie s’éteignait. Bien qu’il disait le contraire, ses traits fatigués ne me trompaient pas.
Une larme roula lentement de mes yeux et s’écrasa par inadvertance sur sa blessure qui se mit à guérir tranquillement. La douleur disparut des traits de mon frère et celui ci parut aussi étonné que moi.
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Qu’est-ce que… ?C’était la première fois que je découvrais mon pouvoir de guérison.
Puis, mon regard se figea lorsque je vis une fleur bleue, une rose, pousser à vitesse grand V là où ma larme c’était écrasée, aux côté de mon frère. Je la cueillis doucement et la lui tendis avec un grand sourire, toujours un peu surprise de ce que je venais de faire. Mais mon frère lui avait repris un visage paisible en prenant la fleur entre ses fins doigts.
Nous nous relevions en riant un peu, puis il se pencha vers moi et me tendis une rose rouge synthétique qui sortait d’on ne sait où. Soudain je commençais à comprendre.
Il sourit de nouveau avec un clin d’œil.
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… Ce sera notre petit secret, Lilas.2 ans plus tard.
Stanley avait disparut du jour au lendemain. Malgré les recherches de la police, après quelques mois de recherches, le dossier fut malgré tout classé pour notre grand malheur. Nous étions tous accablés par la perte de notre frère de cœur.
Simon était inquiet pour ma sécurité et demanda plusieurs fois aux parents de déménager, conscient du problème que je pouvais faire objet.
Notre petit secret était bien conservé. J’avais le pouvoir de guérison et mon frère avait le pouvoir de matérialisation.
Seulement les parents furent au courant en nous surprenant en train de guérir une petite entaille que s’était fait Simon à la main, Stanley aussi. Depuis tout s’était enchaîna, Stanley disparut du jour au lendemain et Simon craignait que ce soit mon tour prochain.
Si seulement…Minuit pile.
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Lilas ! Appela Simon.
J’arrivais en courant dans la chambre de mon grand-frère qui me tendit une rose rouge qu’il venait de matérialiser.
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Joyeux anniversaire Lilas.Mon sourire illumina soudain mon visage et je sautais au coup de Simon qui me fit tournoyer lentement dans la pièce. C’était le 06 décembre et dehors il neigeait, le genre de temps qu’on ne croisait que rarement. Il faisait extrêmement froid et d’après mes parents ils n’avaient pas connu pareille température depuis leur enfance. Le gel prit place sur les terrains au dehors, et malgré le feu ambiant de la cheminée, la pièce principale de maison bien qu’à l’atmosphère chaleureuse restait étonnamment froide.
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Oh merci grand frère ! Tu es génial ! Je t’aime grand frèèèèèèèère !!! Fis-je avec un grand sourire rayonnant qui suffit à le faire sourire facilement.
Je tendis directement une rose bleue que je plaçais dans la main de Simon en riant. Je m’en retournais alors vers le salon avec Simon qui me répétais pour la énième fois qu’il ne méritait pas de cadeau puisque c’était mon anniversaire, je lui répondais d’un rire enfantin parfaitement amusé de la situation. Quand soudain il se stoppa, la mine sérieuse, l’air accablé d’une douleur foudroyante. Il tomba raide par terre sous mes cris. Mes parents déboulèrent sur Simon pour l’aider.
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GRAND FREEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEERE !!!! Hurlais-je dans tous mes états.
Mon hurlement et mes pleurs ne suffirent pas à ramener mon frère. Le jour de mon anniversaire, Simon McPather, mon grand-frère, avait succombé à un infarctus foudroyant. Pourtant… Pourtant… Tout allait si bien n’est-ce pas ? Nous rions tellement, nous avions plaisanté deux minutes avant. Il faisait froid mais nous avions pris nos précautions n’est-ce pas ? Alors pourquoi ?
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Pourquoi tu n’as jamais dit que tu allais mal ?! STUPIDE GRAND-FRERE JE TE DETESTE !Je frappais le corps inerte plongé dans un sommeil éternel. Mes larmes coulaient ardemment sur mon visage. J’avais perdu mon deuxième frère, je me retrouvais seule. Bien sûr il y avait mes parents… Mais… Mon frère… Simon c’était…
Je savais que mes larmes ne pourraient pas le ramener, la blessure dont il avait été atteint était trop « mortelle ». Pourtant si je pouvais, je n’aurais pas hésité. Je le pensais sincèrement. Mon frère méritait de vivre.
Profitant du moment intime que m’avait laissé la famille avec mon frère décédé. Je me mis à chanter d’abord avec ma voix cassée de sanglots, puis de plus en plus intensément, en mettant contre son cœur, une belle rose bleue. Je voulais le ramener. Je le voulais vraiment.
Dans le noir, tout était noir. Je flottais dans les abysses quelque part dans l’inconnu. Tout doucement une voix douce m’interpella et me força lentement à ouvrir les yeux. En face de moi une belle fleur bleue totalement épanouit brillait de mille feux dans une lueur blanche. Je tendis lentement la main pour m’en emparer, celle-ci s’incorpora en moi mais quelques pétales s’envolèrent au loin formant un petit tourbillon qui me fit la voir.
Lilas. Elle souriait et me faisait signe. Je hurlais son nom mais ma voix était muette, j’avais beau gesticuler dans tous les sens, un contre-sort me frappa l’esprit laissant pour seule marque dans mon esprit la fleur bleue. Puis plus rien.
Simon ouvrit lentement les yeux, la lumière l’aveugla un moment et il dut se couvrir un peu les yeux. Ses sens revenaient peu à peu, ses membres étaient engourdis comme s’il venait de très loin. Sa main se serra sur quelque chose. Il releva la tête pour voir de quoi il s’agissait.
La fleur bleue.
La fleur bleue était morte, ses pétales coulaient sur son torse, détachées et complètement asséchées.
Lilas.
Le choc fut brutal lorsqu’il vit Lilas inerte à terre. Sa petite sœur qu’il était censé protéger. Morte pour sa vie. Une vie pour une vie. Pourquoi avait-elle fait ça ?
Les larmes coulèrent toutes seules et le choc si brutal qu’après un hurlement déchirant il tomba dans les vapes.
Quand il se réveilla, Simon s’était transformé en Marmelade.
Simon appartenait à un passé trop douloureux. Marmelade se contentait d’aimer les fleurs bleues, encore et encore. Il ne les perdrait jamais, elles au moins lui revenait docilement. Elles au moins renaissaient et s’épanouissaient toujours d’une façon toujours resplendissante. Il ne craignait pas de les perdre pour de bon.
Il découvrit dans sa poche une petite boîte qu’il n’ouvrit jamais dans les prochains mois de séjour à Epsway plongé dans un profond mutisme, dans des mensonges que lui faisait les médecins de l’établissement. Il gobait tout et cela l’arrangeait, il oubliait petit à petit ce qui le tracassait. Il oublia finalement. Entièrement.
Puis il finit par l’ouvrir et la boîte à musique avait commencé à jouer pour lui. Il tomba à vrai dire presque dans l’état amoureux en entendant la mélodie qui lui mettait du baume au cœur, sans savoir…
pourquoi.